Passage No 6 (Été-Automne 1996)

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Nouveau Passage

Ce numéro 6 du bulletin Passage sera probablement le dernier que vous recevrez par la poste. Je pourrais invoquer la contrainte implacable des coûts postaux pour expliquer ce changement, mais ce ne serait qu’une explication partielle car le "paysage" a beaucoup changé depuis ma première publication de ce bulletin à la fin de 1993. J’étais alors impressionné par l’ampleur du phénomène de dépendance et l'efficacité de sa solution très simple par l'entraide. Trois ans plus tard, cette conviction demeure mais je suis encore plus impressionné par l’ampleur de la boulimie psycho-spirituelle qu'exploite une méga-industrie de la "croissance personnelle". En consommant des solutions ne nous enfonçons-nous pas encore plus dans le problème? On se gave aujourd’hui de "croissance-confiture" présentée sous emballage séduisant. Devant cet état de choses, j'ai parfois envie de devenir ermite sur une île déserte ou tout au moins de fuir la spiritualité de grande surface. Il peut alors sembler totalement contradictoire que dans la foulée de tels propos j’annonce que Passage est désormais disponible sur Internet, la grande surface des grandes surfaces! Mais il y a plusieurs façons de voir les choses. Passage sur Internet me semble résoudre en partie le problème épineux de la distinction entre information et publicité. Dans la publicité il y a manipulation pour forcer à ingurgiter une certaine information. Dans l’information, il y a seulement un témoignage disponible. La différence est la même qu’entre la mouche artificielle qui dissimule un hameçon et que le pêcheur lance dans le courant et le moucheron éphémère qui se pose sur la rivière. L’un comme l’autre peuvent être gobés, mais le résultat n’est pas le même. Internet est bourré d'hameçons déguisés en mouches mais la décison de les chercher et de les gober reste tout de même entre les mains de l'utilisateur. Internet regorge aussi d’information mise à la disposition de ceux qui la veulent : prenez ce que vous aimez et laissez le reste, sans oublier qu'il est un miroir fidèle de ce que nous sommes. Ami lecteur, tu peux te procurer Passage et l’imprimer si tu le désires. Comme un papillon fatigué de voyager par la poste, il vient de se poser sur le fleuve Internet.

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Vaincre la dépendance

Au cours des 10 dernières années j’ai animé divers séminaires et ateliers sur les thèmes que je développe dans mes livres. J’en fais ici un résumé.

Être humain: entre douleur et plaisir

Douleur et plaisir sont les deux guides de notre existence, le bâton et la carotte qui nous orientent, au moins tant que nous ne sommes parvenus à un degré de maturité psycho-spirituelle qui nous permette de nous en détacher. Pour le comprendre, il suffit de se référer au sens profond de ces deux mots, sens qui nous est accessible dans leur racine étymologique et que l’on oublie souvent dans l’usage approximatif qu’on en fait ordinairement. La douleur est le signal d’une rupture, d’un déchirement physique ou psychique. La douleur physique signale que l’équilibre du corps est rompu. La douleur psychique signale que quelque chose ne fonctionne pas au niveau intérieur; on parle aussi de façon imagée de déchirement ou de coeur brisé, de mal de vivre ou de mélancolie, etc. La confusion courante que nous faisons entre douleur et souffrance est lourde de conséquences, car le mot souffrance n’a absolument pas ce sens de rupture, mais celui d’effort difficile, ce qui est très différent. On gagnerait beaucoup à rétablir une distinction très nette se sens entre ces deux mots dans notre quotidien. Casser un verre n’est pas tout à fait la même chose que puiser de l’eau ou en porter une cruche à celui qui a soif. Le plaisir a un sens profond d’unité, d’appartenance, d’absence de rupture. Si la douleur nous invite à prendre conscience d’une rupture, le plaisir signale que tout semble bien fonctionner et être sa place en nous et autour de nous. Tout étant relatif, nous confondons souvent plaisir et soulagement. Je ne souffre plus, quel bonheur!

Anesthésie: perte du sens

Nos problèmes commencent souvent lorsque nous tentons de manipuler les signaux d’orientation que sont douleur et plaisir. Quand, au lieu de nous interroger sur la nature véritable de la rupture que nous signale la douleur, nous nous empressons d’en supprimer l’inconfort, nous comportons comme un conducteur qui, n’aimant pas la lampe rouge qui s’allume sur son tableau de bord, couperait les fils ou dévisserait l’ampoule. L’anesthésie, fleuron de la médecine dans ses efforts pour soulager la douleur, nous est aussi accessible par divers moyens naturels puissants. L’évanouissement spontané qui accompagne chez certaines personnes l’annonce d’une nouvelle trop pénible n’est rien d’autre qu’une anesthésie générale qui amortit le choc émotionnel. Les exemples d’anesthésie naturelle plus ou moins prononcée abondent et je ne mentionnerai ici que le déni, façon que nous avons de nier temporairement ce qu’il nous ferait trop mal d’accepter en bloc. Sans remettre en question l’utilité de l’anesthésie artificielle ou naturelle, il est important de ne pas oublier de réparer autant que faire se peut nos ruptures sous-jacentes car nous risquons, en les ignorant, de les aggraver. Nous possédons une grande expertise dans la réparation des ruptures corporelles grâce en particulier aux progrès de la dentisterie et de la chirurgie, par contre nous sommes souvent incapables de réparer nos ruptures psychique pour la simple raison que, non seulement la science psychologique est encore dans son enfance, mais aussi parce que nous ne savons généralement pas les reconnaître. Nous recourons consciemment ou inconsciemment à l’anesthésie de la douleur psychique avant même d’identifier ce qu’elle nous signale. Le piège de la dépendance est totalement refermé lorsque l’anesthésie naturelle ou induite devient une habitude. Elle porte alors le nom d’assuétude. L’habitude est une seconde nature et au lieu de dire que nous avons des habitudes,nous devrions dire que ce sont nos habitudes qui nous ont. Certaines des ces habitudes sont d’ordre mental, d’autres sont plus manifestement physiques mais, compte tenu du fait que la division entre le corps et l’esprit est purement arbitraire, c’est l’être tout entier qui est prisonnier de ses habitudes. Privés des signaux les plus fondamentaux dont nous disposions pour nous orienter et rester en contact avec la Vie, nous sommes en proie au sentiment que la vie n’a aucun sens et qu’elle nous déserte.

Une panoplie d’assuétudes

La liste des substances ou des comportements qui peuvent servir à nous anesthésier est virtuellement infinie. Les anesthésiants les plus courants, dans notre société de consommation sont: 1- diverses substances chimiques naturelles ou synthétiques, (alcool, tabac, drogues, médicaments, solvants, etc.) 2- l’alimentation (via la boulimie, l’anorexie et autres compulsions d’ordre alimentaire) 3- la sexualité (thème très exploité par les marchands d’anesthésie: presse, cinéma, télévision) 4- l’activité sous toutes ses formes (physique, mentale, etc.) 5- la possession de biens matériels ou la poursuite du pouvoir 6- la codépendance (dépendance affective) 7- les obsessions de tout ordre, y compris le fanatisme religieux ou politique 8- tout comportement humain, tout objet intérieur ou extérieur peut servir à alimenter une dépendance Ce n’est pas au niveau de la substance ou du comportement qu’il importe d’examiner le problème des assuétudes, mais au niveau de ce qu’elles masquent: une rupture plus ou moins profonde de l’être qui ne fait que s’aggraver tant qu’on ne la répare. Les particularités de telle ou telle substance ou comportement ne sont utiles que pour déterminer certaines modalités du lâcher-prise, en particulier lorsque la santé du corps est en cause et que le sevrage d’anesthésiant (détachement) le requiert. En se limitant à ne voir que l’aspect externe de la dépendance, on passe à côté du défi véritable de toute dépendance: réparer la rupture qui s’y cache. En effet, sans réparation, le lâcher-prise d’une dépendance n’est qu’un phénomène de surface (parfois appréciable pour le dépendant ou son entourage), mais le problème de fond reste intact. À quoi bon se libérer de la prison d’une assuétude si c’est pour faire l’expérience d’une douleur sans réparation?

Dynamique familiale de l’assuétude

S’il est vrai que l’assuétude est une dépendance individuelle, elle comporte aussi une dimension collective à plusieurs niveaux: familial, social, corporatif, etc. L’exemple de la famille alcoolique est probablement le mieux connu et il convient de rappeler brièvement les rôles qui s’y jouent. Il suffit de remplacer le mot alcoolisme par le nom de l’assuétude équivalente (toxicomanie, boulimie des aliments ou du travail, obsession, compulsion, dépendance, etc.) pour l’étendre à d’autres contextes familiaux. Dans le foyer alcoolique on trouve d’abord une victime, celui ou celle dont l’alcoolisme fait un grand absent au moins au niveau affectif. À ses côtés se trouve généralement un partenaire jouant à son insu le rôle de complice et que l’on appelle parfois le co-alcoolique ou codépendant pour souligner son implication dans la dynamique de l’assuétude centrale. C’est celui ou celle qui dépend de la dépendance d’un autre. Chaque fois que le complice éponge, avec les meilleures intentions du monde, la responsabilité de la victime, il contribue à la continuation du problème qui l’obsède. Les enfants qui grandissent dans un tel milieu sont directement affectés. La classification qui suit a émergé des observations faites sur les enfants de familles où règnait une assuétude au cours des années quatre-vingt, principalement grâce aux travaux des américaines Claudia Black, Janet Woititz et Sharon Wegscheider sur les familles alcooliques. Sans être un dogme, elle rend compte de façon imagée des principaux rôles empruntés par les enfants de telles familles. L’ordre dans lequel les rôles apparaissent varie selon le contexte, l’âge et le sexe des enfants, l’espacement des naissances et le degré d’évolution de l’assuétude dominante. Quatre rôles principaux se retrouvent à différents degrés dans les familles dont les parents sont émotionnellement anesthésiés: Le héros est souvent l’aîné, celui ou celle qui apprend à se rendre indispensable là où il peut. Le second est fréquemment un rebelle. Sa tendance à être contre tout ce qui est pour et pour tout ce qui est contre lui permet d’être reconnu dans le système familial. C’est lui qui fait l’école buissonnière ou se fait renvoyer pour mauvaise conduite, c’est encore lui qui a des ennuis avec la police ou se fait remarquer par ses fugues et ses fréquentations qu’on désapprouve. Lorsqu’un troisième enfant arrive dans le tableau il adopte souvent le rôle de l’enfant perdu, celui que rien ne semble déranger, qui semble s’amuser d’un rien, dont on dit qu’il est remarquable dans son indépendance et dans sa capacité de passer des heures sans rien demander à personne. Qu’on puisse un instant lire le fardeau de solitude et de tristesse qui pèse au coeur de l’enfant perdu et on aurait de lui une perception fort différente. Un quatrième enfant sera porté à jouer le rôle de clown. On l’appelle aussi la mascotte, celui ou celle qui se distingue par des traits superficiels flatteurs, la beauté de surface, l’esprit volubile, un certain humour et des talents qu’on ne cesse de vanter. On est loin de se douter que le masque du clown cache les larmes et le doute des moments de solitude. On retrouve à quelques variantes prêt cette distribution des rôles sur toutes les scènes familiales où se fait ressentir l’absence d’un adulte. C’est le cas que cette absence soit totale (décès, disparition, départ) ou partielle (maladie physique ou mentale chronique). Tous les membres d’une famille où règne l’absence physique ou affective qui accompagne une assuétude sont affectés et tendent à recourir à des rôles qui masquent leurs émotions. Ils apprennent à vivre en état d’anesthésie. Au passage crucial de l’adolescence, les assuétudes d’adultes les attendent ainsi que des rôles familiaux et professionnels qui sont des extensions de leurs masques d’enfants. On estime qu’un alcoolique affecte directement au moins cinq ou six personnes dans son entourage immédiat. Cela signifie que les dix à quinze pour cent d’alcooliques qu’on trouve dans les pays industrialisés ont un impact direct sur cinquante à quatre-vingt-dix pour cent de la population (5 x 10 = 50 et 6 x 15 = 90). Si l’on étend ce calcul aux autres formes d’anesthésie chronique, toxicomanie, tabagisme, boulimie, jeu compulsif, sexualité compulsive, activité compulsive, codépendance, etc., on se rend vite compte qu’on ne peut sérieusement prétendre que le problème des assuétudes ne concerne pas tout un chacun sur la planète. Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés. Une question fréquente lors de mes séminaires concerne l’hérédité de l’alcoolisme. C’est une fausse question dans la mesure ou une réponse positive ou négative ne change pas grand chose au problème de fond. Ce n’est pas en identifiant un gène alcoolique qu’on réparera la rupture que l’alcool sert à anesthésier. La mise au point d’une méthode permettant à l’alcoolique de consommer de l’alcool sans conséquences néfastes pour lui-même ou pour les autres reviendrait à lui offrir une technique d’anesthésie de plus sans espoir de la dépister. Toute recherche de solution miracle extérieure aggrave le problème de fond au lieu de le résoudre. Toute pilule magique anti-assuétude devrait être assortie d’un avertissement sans-équivoque du risque de perdre la possibilité d’identifier les ruptures qui nous privent du sentiment d’appartenance et de plénitude. Elle serait par définition une clé d’un enfer invisible et inexorable. Une telle pilule constituerait donc une autre de ces pommes amères dont on ferait bien de contempler les conséquences avant de la consommer. C’est de réparation que l’être humain à besoin et non d’une autre illusion de n’être pas déchiré. L’hérédité dont il importe de se soucier se situe au niveau des ruptures psychiques et des moyens de les camoufler. Les secrets de famille et le non-dit sont des héritages plus puissants et plus dévastateurs que tout gène et tout sang noble d’appellation contrôlée. La langue maternelle la plus vivace est souvent un mutisme émotionnel qui conduit tout droit à l’assuétude. Retrouver une manière d’exprimer et de réparer nos ruptures constitue la seule solution véritable à ce problème.

Vaincre la dépendance

Les systèmes sociaux sont des extensions des systèmes familiaux et sont d’autant plus complexe qu’ils sont vastes et amalgament divers courants idéologiques par le biais des communications et de l’immigration. Le cas d’Israël est particulièrement éloquant à ce sujet puisqu’on citait il y a quelques années ce pays comme une exemple de société presque exempte d’alcoolisme; l’afflux d’immigrants venant des pays de l’ancien bloc soviétique a balayé cette immunité apparente et créé une situation alarmante par sa nouveauté et son intensité. Il serait téméraire de tenter ne serait-ce qu’une description sommaire de la dynamique sociale de l’alcoolisme ou de toute autre assuétude. Toute approche statistique et toute étude sociologique qui perd de vue la rupture individuelle sous-jacente et tente de dégager des modèles mécaniques des assuétudes manque la cible. Que l’on ait ou non accès à des échantillons et à des bases de données gigantesques, que l’on fasse ou non passer ces données par des traitements mathématiques sophistiqués, l’étude d’un symptôme ne conduit qu’à la connaissance du symptôme. On sait le drame d’une médecine qui combat les symptômes plutôt que le mal sous-jacent: comme les boutons-poussoirs d’un appareil électrique, de nouveaux symptômes font surface au fur et à mesure que ceux qu’on traite disparaissent. Cela fait penser à l’histoire de ce village aux abords duquel un roi puissant venait d’installer son campement. Plusieurs éléphants faisaient partie de la caravane royale et nul dans le village n’avait jamais vu d’éléphant. On décida donc d’envoyer quatre courageux volontaires pour examiner ces animaux légendaires et en faire rapport au village. L’accès du campement royal étant soigneusement gardé, les quatre émissaires s’y infiltrèrent de nuit et tâtèrent de leur mieux les immenses pachydermes. Le lendemain ils firent rapport à leurs compatriotes: cela ressemble à un serpent aérien souple et agile, dit le premier qui avait palpé la trompe. Pas du tout, dit le second, cela ressemble à un pilier rigide comme les colonnes du temple; il avait évidemment tâté une patte. Que non, de dire le troisième, c’est rugueux et plat comme un mur de torchis; il avait en effet caressé les flancs de l’animal. Taisez-vous, dit enfin le quatrième, c’est dur et lisse comme du marbre, pointu et courbe comme un soc de charrue; il avait quant à lui touché l’ivoire d’une défense. Le discours qui prévaut à propos de l’alcoolisme, tant dans les milieux professionnels que dans le grand public ressemble souvent aux propos bien intentionnés de ces courageux et sincères observateurs de l’éléphant, impuissants à discerner une totalité systémique dont les apparences multiples sont toujours réductrices. Le simple fait qu’il n’existe aucune définition universelle de l’alcoolisme ou de la dépendance est un indice de la complexité du problème. S’il est important de ne pas succomber à la tentation d’attribuer son alcoolisme à une perte d’emploi ou à la perte d’un être cher, même si le rôle de telles ruptures peut être un facteur de déclenchement il est aussi important d’abandonner l’obsession du pourquoi et de passer activement à la réparation. Le rétablissement d’une dépendance implique une culture active de la relation avec l’autre et, partant, avec soi-même. C’est le sens même du mot entraide.

Retrouver l’enfant en soi

Dans la merveilleuse métaphore de la condition humaine qu’est Le petit prince de Saint-Exupéry, le voyage vers la planète Terre est illustré par la rencontre des principaux types d’assuétudes: le roi, drogué de pouvoir, le vaniteux, drogué d’orgueil, le buveur, drogué d’alcool, le businessman, drogué d’avarice, l’allumeur de réverbères, drogué de passivité. Au buveur, le narrateur fait résumer ainsi la dynamique de toute assuétude: je bois parce que j’ai honte... de boire. En général, je m’accroche parce que j’ai mal... d’être accroché et, on l’oublie trop souvent, je m’accroche parce que je redoute la solitude du décrochement. Une palette d’assuétudes constitue donc le triste préambule de la visite sur Terre du Petit Prince. Quant à la terre elle-même, il s’y languit un aviateur en panne, plus isolé qu’un naufragé au milieu de l’océan et qui nous confie: J’ai vécu seul, sans personne avec qui parler véritablement... Dans cette solitude scellée par l’absence de dialogue véritable, le Petit Prince arrive chez les hommes. On connaît la suite, la rencontre au niveau du coeur, la leçon de vie véritable donnée à l’humain qui avait oublié le rire et s’était engoncé dans le rôle de grande personne. La leçon serait incomplète si le petit prince n’était reparti vers son astre lointain, ravivant en nous la nostalgie de l’enfance perdue et nous laissant méditer sur tout ce que son passage a éveillé en nous. La résonnance intense que le thème du retour de l’enfant en soi provoque depuis qu’il a été repris dans des ouvrages de psychologie populaire ou au cinéma (par exemple E.T., l’enfant extra-terrestre) illustre à quel point l’absence du Petit Prince est toujours douloureusement ressentie. À ce manque s’ajoute la déception croissante de chercher son Petit Prince partout où il n’est pas, c’est-à-dire au dehors, y compris dans la forêt des thérapies qui en font miroiter le spectre. Retrouver l’enfant en soi, c’est accueillir le petit prince au seul endroit où il puisse jamais naître: en chacun de nous.

L’entraide: le retour du petit prince

Des millions d’hommes et de femmes ont fait et font chaque jour l’expérience de la panne dans le désert et du retour du Petit Prince dans la thérapie la plus simple qui soit: celle des mouvements d’entraide. C’est d’ailleurs le contexte où le mot thérapie, bien qu’il y soit rarement employé, a le sens le plus proche de sa racine grecque therapon qui signifie le serviteur. Le philosophe américain Emerson a écrit: Une des plus belles rétributions que nous offre la vie est qu’il est impossible d’essayer sincèrement d’aider son semblable sans en recevoir de l’aide. Cette observation se vérifie dans toute rencontre où celui qui est en panne de vie rencontre celui qui est ou a été en panne dans des circonstances similaires. Dans l’entraide, le semblable est celui avec qui on s’identifie. D’où la multiplication des fraternités de semblables décalquées sur le modèle des Alcooliques Anonymes. Selon Ernest Kurtz, auteur d’une étude historique des AA (Not-God, éditions Hazelden), en 1987 au moins 83 mouvements différents avaient déjà demandé et obtenu l’autorisation d’adopter ou d’adapter les Douze Étapes et les Douze Traditions des Alcooliques Anonymes. Ce nombre dépasse sans aucun doute aujourd’hui la centaine! L’édition 1995 du Répertoire de groupes d’entraide dans le Grand Montréal (514 527 1375) contient ainsi 181 mouvements d’entraide dans sa section française et 92 dans la section anglaise. Parmi ces mouvements, bon nombre s’annoncent anonymes, par exemple: Al-Anon, Alateen, Alcooliques Anonymes, Agoraphobes Anonymes, Cocaïnomanes Anonymes, Dépendants Affectifs Anonymes, Dépendants Affectifs et Sexuels Anonymes, Déprimés Anonymes, Émotifs Anonymes, Enfants-Adulte de familles Dysfonctionnelle ou Alcoolique, Gam-Anon, Gamblers Anonymes, Nar-Anon, Narcotiques Anonymes, Nicotine Anonyme, Outremangeurs Anonymes, Pharmacomanes Anonymes, Sexoliques Anonymes, VIH Anonymes, Workaholics Anonymes,... et j’en passe! Convaincu de l’importance de ces groupes, j’informe chaque fois que je le peux de leur existence ceux qui ignorent encore qu’ils sont disponibles souvent à deux pas de chez eux. Je tente aussi de faciliter le processus d’identification qui les y conduira. Le thème du rétablissement de l’intégrité personnelle dans l’entraide est développé tout au long des livres que j’ai jusqu’à présent publiés. Il était aussi dans la traduction française que j’ai faite du livre-clé de Janet Woititz Les enfants d’alcooliques à l’âge adulte (Edimag, Montréal, 1991) dont la première impression est épuisée. Ce livre a été republié chez Modus Vivendi. Lâcher prise et trouver la vie, avec ses trois mots-clés Dépendance, Entraide, Spiritualité examine la perte de sens qui afflige l’être humain de la société de consommation et présente l’assuétude comme un piège presque inévitable sur le chemin de la maturité psychique. Le mode de fonctionnement des groupes d’entraide inspirés des AA y est présenté en mettant l’emphase sur le retour du sens profond de l’existence, formule abstraite qui prend vie lorsqu’on la désigne comme l’enfant en soi ou le Petit Prince. La troisième partie du livre est consacrée à redonner un sens large à la notion de spiritualité si souvent réduite par des interprétations sectaires. Une feuille à la fois est un almanach d’apprivoisement en nous de l’être intègre qui s’affranchit de la dépendance. C’est une page à la fois qu’on explore les multiples facettes de ce fascinant voyage vers l’appartenance et la croissance personnelle. La voie du coeur selon un sage est une interprétation contemporaine de l’antique recueil de sagesse appelé le Dao de jing attribué à Lao-Tseu. J’y ai fait ressortir la dimension spirituelle du troisième volet de Lâcher prise et trouver la vie, c’est pourquoi j’appelle parfois ce livre le dessert par rapport aux deux premiers qui sont plutôt respectivement l’entrée et le plat de résistance. On tente parfois de comparer les mérites respectifs de l’entraide et des thérapies professionnelles. J’y vois davantage une complémentarité possible qu’une compétition. Recourant à l’image simple de la plomberie, je compare l’être anesthésié par l’assuétude à un tuyau bouché. Le flux vital ne passe plus, l’asphyxie fatale est imminente, il faut procéder d’urgence au débouchage. Deux grandes classes de méthodes sont disponibles: la méthode lente de dissolution des incrustations et la méthode mécanique qui fait intervenir des outils spécialisés manipulés pas des opérateurs qualifiés afin de réparer les déformations du tuyau. L’entraide relève de l’action lente, la thérapie dirigée par un professionnel relève de l’intervention mécanique spécialisée. Tout dépend de l’état du tuyau psychique. Certaines blessures particulièrement intenses, traumatismes d’enfance, pertes dramatiques et carences profondes, abus physique, psychique, sexuel, etc. requièrent les services d’un thérapeute, avec le discernement que cela implique pour distinguer thérapeute et thérapute. Restent les incrustations pour lesquelles l’entraide est une thérapie irremplaçable, véritable école de vie fondée sur une évidence: on ne répare pas seul une rupture dont l’essence même de nous rendre seul. Lorsque la famille, l’école, l’église, l’armée, l’entreprise, ou tout autre système humain seront devenus des espaces de vie au sens où l’individu y participera de façon épanouissante, on pourra alors se passer des groupes d’entraide. Inversement, si l’on veut avoir quelque chance de voir la famille, l’école, etc. devenir des espaces de vie épanouissants, les groupes d’entraide sont les laboratoires, au sens littéral de salles de travail, antichambres préparatoires à la naissance d’êtres humain intègres. Y est invité à naître tout individu qui reconnaît être en panne de vie. C’est là que s’effectue le retour du petit prince, après une panne fertile et peut-être indispensable pour découvrir l’essentiel invisible pour les yeux. À tous ceux et celles qui m’ont aidé à porter ce message, j’offre, en conclusion, un cordial merci!

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Changement d'adresse

Veuillez prendre note de mon changement d'adresse postale et si vous avez un de mes livres portant mon ancienne adresse, veuillez faire la correction suivante en dernière page. Merci.

Anciennes adresses :

121, rue Drummond, Ottawa, K1S 1J8 et ensuite 1, rue Principale Nord, Sutton, Qc, J0E 2K0, Canada

Nouvelle adresse :

252, Chemin du Pinacle Ouest, ABERCORN QC, J0E 1B0, Canada

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Passage No 5 (Automne-hiver 1995)

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Points chauds

En préparant ce numéro de Passage, je n'ai eu aucune hésitation quant au sujet qu'il me semblait important de traiter, même succintement: le jeu et la parodie qu'on en fait aujourd'hui. Le discours qui prévaut au sujet des casinos et des loteries fait l'objet d'une telle couverture médiatique que quelques lignes consacrées à un autre son de cloche me semblent constituer une bien petite goutte dans l'océan. C'est à la roulette russe que nous jouons et pas avec un pistolet à six balles mais, progrès oblige, avec une mitrailleuse dont une balle sur un million est à blanc. Pensons-y la prochaine fois que nous utiliserons le verbe "jouer". Autre préoccupation dans ce numéro, la question des sectes qui retombe maintenant sous forme de suspicion envers tout discours à contenu spirituel n'émanant pas de structures établies. Autre point chaud, réconfortant cette fois, le souvenir que je garde des conférences que j'ai présentées dans différentes villes du Québec (Beauceville, Chicoutimi, Kamouraska, Matane, Mont-Joli, New-Richmond, Chandler). Partout j'ai trouvé la même vibration porteuse d'espoir et le nom de Baie des Chaleurs a désormais pour moi un sens humain bien particulier. J'animerai peut-être bientôt des ateliers dans ces régions. Je souhaite que les racines qui ont été chatouillées cet été par le dialogue continuent leur patiente croissance. C'est en hiver et la nuit qu'elles sont le plus actives.

À l'aide SVP!

Chaque fois que je publie Passage, je me demande si ce sera la dernière fois car les chiffres sont là, implacables : ce numéro est imprimé à 3000 exemplaires dont 1500 seront distribués par la poste. Les timbres à 0,45$ chaque constituent la plus grosse dépense. Demander de l'aide étant une dimension de l'entraide, je demande votre aide pour continuer à distribuer Passage. J'ai surtout besoin de timbres, mais toute autre suggestion sera bienvenue : photocopies, distribution locale, etc. Merci d'avance. Je songe aussi à le diffuser au moyen d'Internet, nom qui signifie "réseau d'interaction" et n'est donc pas très différent du mot entraide. "Net" désigne aussi un "filet", redoutable engin de destruction aux mains des prédateurs. À nous de faire de ses mailles un réseau donneur de vie.

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Quête de sens, Sens de quête

"Il avait du bon sens : le reste vient ensuite"
La Fontaine (Le berger et le roi)

L’expression quête de sens fait les manchettes. Les guerriers spirituels sont sur les sentiers de la guerre (pas toujours les moins fréquentés ...), les héros intérieurs ont revêtu leur armure et sont en selle, parfois en voiture blindée, les plus braves vont à pied, l’homme sauvage pénètre résolument dans la forêt obscure de son subconscient. Dans cette fresque de renaissance spirituelle un détail passe souvent inaperçu: le succès ou l’échec de toute quête de sens repose sur le sens de la quête. Quêter a le sens profond de "demander". "Demandez et vous recevrez, pour que votre joie soit parfaite" (Jean 16,24). Demander, c’est, à la lettre, de-manum-dare, c’est-à-dire "tendre la main pour rejoindre ce dont on se sent séparé". La quête véritable est une attitude d’ouverture que l’on peut comparer à l’agir-sans-agitation dont parle Lao-Tseu. "Le sage agit sans forcer et enseigne sans mots ..." (La voie du coeur selon un sage, ch.2). Dès qu’elle devient forcée et arrogante, la quête devient enquête, conquête, requête, inquisition, perquisition ou acquisition, termes pourtant de même racine mais dont la dimension agressive et parfois violente est évidente. De quête à racket il n'y a qu'un "rat". La quête de sens, pour avoir quelque chance d'aboutir, doit donc ressembler davantage à un don qu’à une prise d'otage. Dans les mots des Douze Étapes, la quête est à son paroxysme à la septième lorsque "Nous lui avons humblement demandé de faire disparaître nos déficiences" (traduction libre : en assumant pleinement notre humanité nous avons lâché prise de nos dépendances pour tendre la main à la Vie), démarche qui n'a de sens que si elle s'appuie sur une concrète pratique du service, c'est-à-dire du don, notre seule façon d'être fidèles au sens de la quête. Avides quêteux de sens, nous sommes par conséquent invités à descendre de nos grands chevaux et à lâcher prise de nos multiples façons d'essayer de contrôler l'incontrôlable. Au fond, tout ce que nous avons à faire pour que notre quête ait du sens, et la formule fera sourire certains, est de "donner à la quête".

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Gare au naufrage

On sait depuis assez longtemps que l’usage maintenant banni du DDT pour contrôler certains insectes a provoqué l’évolution de variétés plus résistantes de ces mêmes insectes, sans compter ses effets dévastateurs dans la chaîne alimentaire. On sait aussi que l’usage immodéré des antibiotiques est aujourd’hui remis en question car il a provoqué l’évolution de bactéries plus résistantes. Peut-on en conclure que l’usage inconsidéré des nombreuses techniques d’ouverture psychique dont nous disposons aujourd’hui peut avoir pour effet de favoriser une réaction contraire, soit l’évolution d’egos plus résistants? Ce serait un exemple de plus d’un mal résultant des meilleures intentions. Lorsque Jean de la Croix dans son merveilleux poème La nuit noire de l’âme évoque ce que nous appellerions de nos jours son ouverture spirituelle, il précise à deux reprises "estando ya mi casa sosegada", "la paix règnant alors en ma demeure", c’est-à-dire "ayant pacifié ma vie intérieure". Les grands explorateurs de la voie spirituelle ont de tout temps signalé qu’elle est périlleuse. L’écueil principal qu’ils nous signalent s’appelait hybris en grec, terme souvent rendu par l’orgueil mais qui signifiait à la lettre "l’outrage violent" et "le naufrage". Nous ne nous sommes pas encore remis de l'hybris qui a conduit à l'holocauste de la seconde guerre mondiale et il n’y a qu’à penser au sort tragique des sectes de Georgetown en Guyane, de Waco au Texas ou, plus récemment, au Québec et en Suisse pour prendre ce danger très au sérieux. L'histoire du naufrage d'Icare tombé à la mer pour avoir voulu voler trop haut et la fable de la grenouille qui voulu se faire aussi grosse que le boeuf devraient donc faire partie de nos lectures de chevet.

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Jardinage

Le court texte qui suit est extrait d’un livre de Anthony de Mello (The Song of the Bird, Image Books, Doubleday, 1982) et j’en propose ici une traduction libre à tous ceux qui souffrent en "cultivant leur jardin". Pissenlits Cet homme était très fier de sa pelouse, aussi, quand les pissenlits l’envahirent il mit tout en oeuvre pour s’en débarrasser, mais en vain. En dernier ressort, il écrivit au Ministère de l’Agriculture, énumérant tout ce qu’il avait essayé, terminant sa lettre par une question :"Que faire ?" Quelque temps plus tard, il reçu une réponse: "Nous vous suggérons d’apprendre à les aimer." Anthony De Mello ajoute un bref commentaire sur la façon dont nous pouvons mettre en oeuvre ce judicieux conseil dans notre jardinage quotidien : "Ses yeux devenaient de plus en plus faibles et il combattait par tous les moyens la cécité qui le gagnait. Lorsqu’il eut épuisé les ressources de la médecine, il laissa libre cours à toute la puissance de ses émotions. Il fallut alors un grand courage pour lui suggérer d’apprendre à aimer sa maladie. Le combat fut difficile. Il refusa d’abord tout dialogue avec elle et lorsqu’il se résigna à lui parler, ses mots étaient pleins d’amertume. Peu à peu, ils se changèrent en mots de résignation, puis de tolérance, puis d’acceptation. Un jour, il fut lui-même surpris de s’entendre lui murmurer des mots d’amitié et ... d’amour. Un beau jour enfin, il put mettre ses bras autour de sa maladie et lui dire : "Je t’aime". Ce jour-là, je le vis sourire de nouveau. Bien sûr, il était à jamais aveugle, mais son visage était devenu tellement beau ..." Le thème de la douleur et de la souffrance examiné sous un angle qui en fait ressortir le sens profond est développé dans le numéro d'automne 1995 de la revue Frontières publiée par l'université du Québec à Montréal (514-987-8537) et fera l'objet du colloque "La mort parlons-en" au centre des congrès de Sherbrooke les 21 et 22 septembre prochains (info. 819-565-7646).

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Jeu de roulette ... russe

La perte de sens qui caractérise notre culture matérialiste est particulièrement évidente lorsque l’on réalise que les mots que nous utilisons quotidiennement ont aujourd’hui un sens complètement différent et souvent directement contraire à leur sens initial. Modernisme, diront certains, les langues évoluent et s’en alarmer est une forme de conservatisme rétrograde ... Cet argument plutôt paresseux prend pour acquis que le simple fait de changer constitue un progrès. Dans la même logique on pourrait dire que toute maladie "évolue" et que cela constitue donc un progrès. Or nous savons bien que tout dépend du sens de cette évolution. Notre langage n’est qu’un symptôme de l’état véritable de notre coeur. Pour reprendre une image de Joseph Joubert, "On peut considérer la langue de l’homme, dans le mécanisme de la parole, comme la corde qui lance d’elle-même la flèche qu’on y a ajustée." Notre coeur ajuste les flèches de nos intentions à l’arc de la parole et l’oriente. Nos cordes vocales ne font que propulser ces flèches. Quelles sont ces flèches et dans quelle direction les lançons-nous lorsque nous parlons aujourd’hui de jeu? Il n’est pas une semaine sans que la frénésie qui entoure le développement de casinos ne fasse les manchettes régionales ou nationales. En entendant la couverture de la grève des employés du Casino de Montréal lors d’une émission de radio diffusée au cours de l’été, je me suis demandé pourquoi un semblant de pudeur empêche encore que l’on désigne les casinos comme services essentiels. On pourrait aussi songer à reconvertir les hôpitaux fermés en casinos, mettant à profit l’expérience acquise lors de la conversion d’églises et de temples en discothèques. L'épineux dossier des coûts de la santé pourrait être réglé en installant des machines à sous au chevet des malades, abolissant à jamais l'idée même de ticket modérateur. Selon une autre discussion entendue sur les ondes, on aurait mis sur pied en Nouvelle-Écosse une "Université du jeu" pour essayer d’inciter le grand public à "jouer" davantage. Bref, notre avenir serait dans le jeu ... mais quel avenir et quel jeu? Le mot jeu, tout comme le mot joie, vient d’une vieille racine désignant l’expression sonore comme le rire. Son sens le rapproche aussi de toute une famille de mots exprimant l’idée de lien : yoga, joug, zygote, joindre, justice, etc. Jouer, c’est être branché sur la Vie. Ironiquement, il existe une autre famille de mots exprimant l’idée de jeu : ludique, prélude, illusion, etc. Cette autre branche qui a donné aussi le mot solution est construite sur une racine qui signifie "lâcher prise", dissoudre les liens. La contradiction n’est qu’apparente puisqu’il s’agit au jeu véritable comme dans la vie de lâcher prise des attachements stériles et de se fondre dans l’appartenance. Les jeux d’argent, tels que nous les pratiquons, constituent un exemple parfait d’attachement stérile qui est en fait l’antithèse du jeu. Des recherches sur le jeu compulsif révèlent que les machines à sous et en particulier le poker électronique sont une source d’assuétude particulièrement intense chez les femmes. L’explication en serait que l’aspect macho et compétitif de la table de jeu au casino tendant à les inhiber, les femmes préfèrent un tête-à-tête plus "intime" avec les machines à jouer. On peut de toute évidence généraliser cette observation aux deux sexes si l'on pense à la dépendance qui se répand comme une trainée de poudre par rapport aux jeux électroniques et à l'autoroute du même nom. Les loteries et paris en tous genres font bien sûr partie des "jeux" à contresens auxquels nous nous livrons. Le système boursier tout entier des économies dites "libres" est un vaste casino ou, si l’on préfère, une vaste loterie : nous prétendons "jouer" à la bourse tout comme nous parlons de "jouer" à la roulette russe. Combien de fois nous plaignons-nous que la vie n’a pas de sens alors que c’est nous qui en enfourchons la bicyclette à l’envers et y circulons dans des voies sans issue? Un lâcher-prise à la fois ludique (qui dissout) et joyeux (qui relie) nous est accessible dans l’entraide bénévole et anonyme avec tous ceux qui disent non à la dépendance et oui à la vie. Pour ceux qui veulent réapprendre le vrai sens du jeu, Joueurs Anonymes (Gamblers Anonymous) constitue une de ces "écoles maternelles de l’esprit". On peut se renseigner sur l’aide disponible au Québec dans ce domaine en composant le 1-800-461-0140 ou le 1-514-527-0140. Pour conclure sur une note plus optimiste, citons Pablo Neruda au sujet du jeu authentique : "L’enfant qui ne joue pas n’est pas un enfant, mais l’homme qui ne joue pas a perdu a jamais l’enfant qui vivait en lui et qui lui manquera beaucoup. J’ai construit ma maison comme un jouet et j’y joue du matin au soir." Le Moyen-Âge avait ses bâtisseurs de cathédrales, nous avons aujourd’hui besoin de bâtisseurs de véritables maisons de jeu, temples intérieurs d'abord, structures ludiques extérieures, ensuite.

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Répertoire de l'entraide

Le Centre de référence du Grand Montréal a publié un Répertoire des groupes d’entraide dans le Grand Montréal. Il contient la description de 181 groupes dans la section française et 92 dans la section anglaise. En plus de ses services d’information, de référence, d’évaluation des besoins et de publication, au (514) 527-1375, de 8h15 à 16h30 du lundi au vendredi, le Centre gère des lignes téléphoniques spécialisées qui desservent tout le Québec 24 heures sur 24: Drogue: aide et référence, (514) 527 2626 ou 1-800-265-2626; Jeu: aide et référence, (514) 527-0140 ou 1-800-461-0140. Le Centre reçoit plus de 300 appels par jour. En se procurant le Répertoire ou le nom de la personne responsable du mouvement d'entraide auquel on aimerait participer, on peut se renseigner sur l'existence de groupes identiques dans la région où l'on habite ou demander des suggestions pour démarrer un nouveau groupe, imitant ainsi les abeilles dans leur essaimage. Il suffit de deux personnes ayant un problème commun pour démarrer un groupe d'entraide.

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Symbole de prise de conscience


On me demande souvent le sens du symbole qui apparaît sur mes livres et lorsque je l’explique on me confie parfois avec soulagement y avoir vu l'estampe de quelque secte secrète... Je n’avais pas pensé à ce risque et s’il le faut je changerai de symbole. En attendant, j’en livre ici très volontiers le "secret". 1- Le Symbole chinois appelé T’ai-Chi-T’u qui signifie "diagramme de l’Un suprême" représente l’intégration dynamique du principe sombre, le yin, aussi appelé féminin, flexible, passif, etc. et du principe lumineux, le yang, aussi appelé masculin, dur, actif, etc. Les deux points, le clair et le sombre, représentent le germe même de chaque principe dans le principe complémentaire. Le yin naît au coeur du yang et le yang au coeur du yin. L’opposition apparente, lorsqu’elle est perçue avec l’esprit ouvert de la vision globale, devient équilibre harmonieux en un tout mystérieux et sacré. 2- J’ai ajouté autour du T’ai-Chi-T’u des rayons qui symbolisent le caractère radieux de la psyché où l’ombre et la lumière, l’inconscient et le conscient, sont harmonieusement intégrés. 3- J’ai superposé à ce symbole une barre qui représente la frontière entre le conscient et l’inconscient. Cette ligne symbolise l’horizon de la prise de conscience de l’être humain. Nous sommes invités à laisser se lever en nous l’astre de la conscience. Parfois, notre tâche consiste à faire baisser la barre par un travail délibéré d’exploration du subconscient, parfois elle consiste à avoir la patience d’attendre que l’astre qui permet la vision globale se lève en nous. 4- Le symbole résultant parle donc de prise de conscience, d’émergence spirituelle et de travail d’intégration psychique.

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Passage No 4 (Printemps-été 1995)

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Quoi de neuf?

L'atelier qui s'est déroulé à Ottawa au printemps a clairement démontré à quel point la formule en 8 sessions permet un travail de groupe plus efficace. L'expérience sera renouvelée cet automne --voir l'encadré en page 2. En juin, j'ai participé aux deux semaines intensives de l'École d'alcoologie de l'université Rutgers au New Jersey. J'en étais à ma seconde expérience à Rutgers. Au delà de la riche variété des cours et ateliers offerts, la diversité des cultures représentées apportait à elle seule une dimension exceptionnelle à cette expérience. Il y avait là, en plus d'intervenants des États-Unis et du Canada, des participants de Pologne, de Turquie, d'Israël, du Bengladesh, de Suède, du Danemark, du Japon, de Corée et j'en oublie. Fait assez nouveau et remarquable, plusieurs étudiants en médecine s'étaient inscrits, ce qui permet d'entrevoir une ouverture de plus en plus grande de la médecine traditionnelle à cette renaissance de la thérapie dans l'alcoologie. Juillet a été plutôt calme, préparation intérieure et extérieure d'un mois d'août plutôt actif où je prendrai la route pour un tour du Québec bien particulier. Au lieu de me contenter de visiter les sites que j'aime tant, en particulier en Gaspésie, j'y donnerai des conférences ouvertes au public presque chaque soir. Le 17 août je serai à Beauceville, le 18 à Chicoutimi, le 19 à Kamouraska, le 21 à Mont-Joli, le 22 à Matane, le 23 à New-Richmond, le 24 à Chandler et le 25 à Gaspé. "Se libérer de la dépendance" est le titre du message que j'essaierai de transmettre à ceux qui voudront bien l'entendre. Les journaux locaux en auront, je l'espère, publié l'annonce les jours précédents. La suite dans le numéro d'automne de Passage...

Appel à l'aide pour des timbres!

J'ai un besoin urgent de votre aide pour continuer à distribuerPassage. J'en expédie environ 1200 au moins deux fois par an et le coût d'expédition devient de plus en plus difficile à défrayer seul. Si vous aimez le recevoir et que vous pouvez prendre quelques instants pour m'envoyer le ou les timbres à 0,45$ qui flottent peut-être dans votre porte-feuille, sac à main, ou tiroir, cela fera toute une différence. Merci d'avance.

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Douze Étapes pour lâcher prise

Les Douze Étapes des Alcooliques Anonymes sont devenues un véritable patrimoine de l'humanité. Comme tout texte inspiré, l'Esprit qui y souffle peut se réincarner sous de multiples formes. Il se reconnaît d'ailleurs dans bien des écrits millénaires. Comme toujours en pareil cas, ce n'est qu'en se familiarisant avec différentes versions d'un même filon d'inspiration qu'on en saisit un peu mieux l'essentiel dont on sait qu'il est invisible pour les yeux. Par exemple, le Daode jing de Lao-Tseu (on écrit souvent Tao Te King) comporte 5000 caractères en chinois. Il en existerait plus de 700 interprétations, soit plus d'une pour 7 caractères! Le petit livre que j'ai publié en 1993 et que j'appelle "le dessert", La voie du coeur selon un sage, en est une interprétation suivie d'un commentaire. Il en est de l'Esprit de ce livre comme de toute rivière, on ne s'y baigne jamais deux fois dans la même eau. Combien existe-t-il de versions et de niveaux de lecture de la Bible? Pour en revenir aux Douze Étapes, voici sans autres commentaires deux lectures que j'en propose souvent dans mes séminaires: 1- Nous avons admis que notre tuyau était bouché 1- Nous avions la mort dans l'âme 2- Nous avons accepté l'idée qu'un spécialiste en plomberie de l'esprit pouvait nous aider 2- Nous voulions vivre 3- Nous avons décidé de demander l'aide du grand Plombier de notre choix 3- Nous avons décidé de faire confiance à la Vie 4- Nous avons fait la liste de tout ce que nous avions déversé dans notre tuyau au fil des années 4- Nous avons appris à répondre honnêtement à la question "Qui suis-je?" 5- Nous avons admis être les auteurs de ces déversements et en avons discuté avec le grand Plombier et un témoin 5- Nous nous sommes présentés sous nos vraies couleurs 6- Nous nous sommes préparés au débouchage 6- Nous nous sommes préparés à changer 7- Nous avons de bonne foi signé le contrat et commencé les travaux 7- Nous nous sommes donnés corps et âme au changement 8- Nous avons fait la liste des autres tuyaux où nous avions versé nos excédents d'eaux troubles 8- Nous avons fait la liste des blessures infligées à d'autres 9- Nous avons présenté, dans la mesure du possible, nos excuses à leurs propriétaires sans causer de préjudice à qui que ce soit et leur avons payé dommages et intérêts 9- Nous nous sommes pardonné ces offenses et, sans en causer d'autres, les avons réparées 10- Nous avons institué une surveillance quotidienne des déversements dans notre tuyau ou celui des autres et, en cas de déversement toxique, nous avons mis en place un plan d'intervention rapide pour réparer les dégâts 10- Nous avons adopté une discipline d'introspection et de réparation 11- Nous avons maintenu un contact régulier avec le grand Plombier afin d'assurer l'entretien de notre tuyau 11- Nous avons adopté une discipline spirituelle 12- Ayant recouvré la santé grâce à l'ouverture de notre tuyau spirituel, nous avons résolu d'appliquer cette méthode à toute la plomberie de nos relations et de passer le mot à notre entourage 12- Nous nous sommes joints à la dance de la Vie La première de ces deux interprétations se trouve à la page du 24 janvier dans Une feuille à la fois. On y trouve aussi une lecture plus traditionnelle aux 12 pages qui correspondent au 5 de chaque mois. La seconde interprétation est commentée au chapitre 14 de Lâcher prise et trouver la vie. Pour ceux et celles qui aiment simplifier à l'extrême, les Douze Étapes (et les Douze Traditions) se résument à un seul mot: NOUS. Entrer dans un "Nous" sain, le construire, l'entretenir, en maintenir l'intégrité à tous les niveaux, voilà le défi d'une vie ... ou même de plusieurs si l'on en croit certaines traditions spirituelles et si l'on considère l'état de la planète! Plus d'une centaine de mouvements d'entraide ont adopté ou adapté les Douze Étapes dans le monde entier. À chacun de choisir la lecture qui lui convient.

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Répertoires de groupes d’entraide

Le Centre de référence du Grand Montréal vient de publier un Répertoire des groupes d’entraide dans le Grand Montréal. Il contient la description de 181 groupes dans la section française et 92 dans la section anglaise. En plus de ses services d’information, de référence, d’évaluation des besoins et de publication, au (514) 527-1375, le Centre gère des lignes téléphoniques spécialisées qui desservent tout le Québec 24 heures sur 24: Drogue: aide et référence, (514) 527 2626, 1-800-265-2626; Jeu: aide et référence, (514) 527-0140, 1-800-461-0140 Il existe d’autres centres de référence et d’autres annuaires de ressources communautaires. À Québec le Bottin de la Maison Arc-en-Ciel (418) 522-2915 est bien documenté. Il existe de nombreux centres d'action bénévole dans les diverses régions et certains peuvent renseigner sur les organismes d'entraide. Toutefois, ce sont les CLSC qui devraient posséder l'information la plus détaillée concernant les divers groupes. Communication Québec est un service assez bien informé par lequel il est toujours possible de commencer une recherche. Pour Ottawa-Hull, un petit livret intitulé Liste des Ressources est publié par le Centre Hospitalier Pierre-Janet à Hull, le Directory of Self-Help groups in Ottawa-Carleton est publié par le Olde Forge Community Ressource Centre (613)829-9777. Si vous connaissez de bonnes références sur l’entraide bénévole dans votre région, veuillez me les communiquer, il me fera plaisir de les mentionner dans un prochain bulletin. Merci.

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Le jardin originel et l'arbre de l'oubli

Il était une fois un jardin où les hommes et les femmes vivaient libres et nus. Au centre de ce jardin, se trouvait un arbre qu’on appelait l’arbre de l’oubli. La rumeur courait que quiconque mangerait de ses fruits serait atteint d’une amnésie qui lui ferait perdre jusqu’au souvenir du bonheur. Cet arbre donnait des fruits en toutes saisons et, pendant l’hiver, ceux-ci paraissaient plus beaux et plus tentants que jamais. Un jour, un marchand d’ordinateurs qui se rendait livrer quelques cartes de mémoire supplémentaire à l’un de ses clients passa près de l’arbre et, comme il n’avait pas pris de petit déjeuner, il finit par se convaincre que les habitants du jardin n’avaient plus rien à craindre de l’arbre de l’oubli. Les bibliothèques regorgeaient en effet de volumes et de microfiches, et il n’était pas un foyer qui ne fut doté d’une mémoire phénoménale sur disques "CD-ROM" où se trouvaient les réponses à toutes les questions qu’on pouvait se poser. Il cueillit donc le fruit le plus mûr et s’en délecta en poursuivant son chemin. Son inquiétude quant aux conséquences d’avoir enfreint la consigne se dissipa très vite car pour tout effet il ne ressentit qu’un regain d’énergie agréable. Sa productivité augmenta et, quelques semaines plus tard, il fut nommé directeur des ventes. Le bruit se répandit alors dans le jardin que le mythe du fruit défendu était une supercherie et qu’au contraire quiconque en mangerait deviendrait fort et riche. Bientôt tout le monde y avait goûté. Le jardin connût un essor phénoménal et, en quelques années, la vie y fut complètement transformée. Personne ne semblait avoir remarqué que l’on avait soudainement oublié la différence entre douleur et souffrance. La douleur étant depuis longtemps bannie par les autorités médicales à grand renfort d’anesthésiques, on appliqua bientôt les mêmes remèdes contre la souffrance. La formule en était secrète et compliquée mais, à en croire la rumeur, il y entrait des extraits du fruit de l’arbre de l’oubli, avec ou sans agent de conservation. Les habitants du jardin consommaient avidement ces potions et une grande ivresse s’empara de la population. On en vit beaucoup qui sortaient du jardin en titubant. Bien sûr, de temps à autre, quelque marginal dénonçait la pratique. "On ne guérit d’une souffrance qu’à condition de l’éprouver pleinement" avait écrit un dénommé Proust mais, comme il semblait avoir une relation étrange avec sa mère, on l’accusa de névrose et on relégua ses livres à l’académie. "Toute douleur qui n’aide personne est absurde" avait affirmé un autre. Il s’appelait Malraux et comme l’absurde était à la mode parmi l’intelligentsia de son époque, on l’oublia aussi. "D’autres ont peiné et vous profitez de leur souffrance" avait même déclaré un prédicateur citant l’Évangile selon Saint Jean mais, comme on avait depuis longtemps oublié la tradition, les quelques ouailles qui, dans l’auditoire clairsemé, avaient senti monter une légère angoisse, avalèrent discrètement un comprimé et chacun rentra chez soi content d’avoir fait bonne impression sur le voisin. On mit même sur pied quelques conférences sur "Le Processus de guérison", mais n’y assistaient que quelques sommités médicales et religieuses et des marginaux dont plusieurs vendaient leurs propres potions, garantissant qu’il n’y entrait aucun extrait de l’arbre de l’oubli. Les spécialistes y tenaient des tables rondes afin de vérifier lequel, du sujet ou de l’auditoire, ils pourraient épuiser en premier. À l’une de ces brochettes d’experts, on avait posé la question "Est-il éthique d’abolir toute souffrance?" et les orateurs s’étaient succédés jusqu’à ce que le président de séance, réalisant qu’il n’était pas éthique de souffrir plus longtemps de la faim, déclare la séance levée. La question resta en suspens et on n'en entendit plus parler. Quelques saisons s’écoulèrent sur le jardin endormi. Une seconde conférence eut lieu. Elle portait sur "Le travail de deuil comme processus de guérison". Le comité de sélection du programme reçut une proposition de présentation qui soulignait que, selon de vieux livres, deuil et douleur avaient le même sens de déchirement alors que souffrance avait un sens d’effort. Toujours selon cette proposition, guérison avait un sens de service et santé était synonyme d’intégrité. Le titre de la conférence, à la lettre, voulait donc dire "Le Travail de déchirement comme processus de service", ce qui n’était évidemment pas très clair. Le travail de souffrance comme processus de guérison de la douleur eut été plus "sensé". Autour de la table du comité de sélection certains toussèrent en regardant leur montre. D’autres haussèrent les épaules devant une histoire qui, selon eux, embrouillait les pistes. D’autres s’offusquèrent du ton désinvolte avec lequel on traitait d’un sujet aussi sérieux. D’autres enfin consultèrent la biographie de l’auteur de la proposition: ancien amnésique et scientifique, il s'était fait une vocation de rappeler à qui voulait l’entendre que le sens des mots est aussi le sens de la condition humaine et qu’en suivant leur trace, l’homme moderne, comme un Petit Poucet égaré, pouvait retrouver le chemin du Jardin. Après une brève délibération, on informa l’auteur que sa proposition était intéressante mais que, malheureusement, etc, etc. Quelques saisons passèrent encore et, pour éviter qu’il tombe lui-même dans l’oubliette d’une mémoire d’ordinateur, le texte de cette proposition fut offert aux lecteurs du bulletin Passage sous le titre "Le Jardin originel et l'arbre de l'oubli".

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Passage No 4f (France, printemps 1995)

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Bilan printanier

À bien des titres, l'hiver qui se termine a constitué pour moi un printemps. D'abord, au sens météorologique du terme, après 25 hivers canadiens, cet hiver exceptionnellement doux cette année dans la péninsule armoricaine m'a paru printanier: camélias, mimosas et jonquilles se sont succédées pour qu'il n'y ait cette année en Bretagne aucun jour sans fleurs. Des inondations record ont par contre laissé derrière elles un lourd bilan en pertes animales et matérielles et amorcé une salutaire réflexion sur les effets d'un déboisement à outrance qui ressemble plus à un démembrement qu'à un remembrement. Printemps aussi à l'horizon au niveau humain où j'ai eu le plaisir de présenter de nombreux séminaires sur les thèmes que je développe dans mes livres: dépendance, entraide, spiritualité. Je ne pouvais m'empêcher, en réalisant à quel point la détresse humaine n'a pas de frontières, de penser à la chanson "The Rose" que Bette Middler a rendue célèbre: "Souviens-toi, au coeur de l'hiver, qu'enfouie profondément sous la neige frigide, dort la graine qui, sous les rayons du printemps, fera naître une rose." Message d'espoir donc, semé au hazard de mon itinéraire en France, pour y favoriser l'émergence de groupes d'entraide bénévole du type Codépendants Anonymes, Adultes Enfants Anonymes et autres programmes s'inspirant des Douze Étapes et des Douze Traditions. Il existe en effet une immense disparité dans ce domaine entre la France et l'Amérique du Nord au niveau des ressources alors que les besoins sont évidemment comparables. Concrètement, c'est la région de Lorient-Auray qui aura été la plus copieusement informée sur la façon dont ces groupes fonctionnent et sur la manière d'en démarrer. L'avenir dira si les graines ont germé. En conclusion, je tiens à remercier tous ceux et celles qui ont rendu possibles ces séminaires et ateliers en faisant circuler l'information dans leurs réseaux ou dans la presse régionale. À suivre...

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Dépendance : "Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés"

Voir la version revue et corrigée de cet article sous le titre "Vaincre la dépendance" dans
Passage No 6

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Passage No 3f (France, janvier 1995)

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Passage en France

Passage est un bulletin d’information distribué au Canada depuis 1993. Son but est de contribuer au renouveau spirituel qui s’est amorcé en Amérique du Nord depuis les années 50 alors que les conséquences d’un matérialisme à outrance ont commencé à se faire sentir à grande échelle sous forme d’assuétudes comme la toxicomanie, l’alcoolisme et une longue liste de comportements compulsifs. Passage n’est affilié à aucune religion, secte ou culte, le terme "spiritualité" y désigne une ouverture à la vie sur tous les plans, ouverture qui commence par une reconnaissance du désarroi de l'être humain réduit au rôle de consommateur sursaturé, presque ivre-mort, ressassant ses peines et en proie à un sentiment d'isolement croissant. Ce renouveau de l’esprit lui apporte espoir et libération en affirmant qu'il est plus que ce qu’il fait ou que ce qu’il pense et qu'il n’est pas condamné à l’asphyxie progressive. Il est en effet possible de sortir du cercle vicieux de l'assuétude grâce à l’entraide. Dans mes livres comme dans mes séminaires et ateliers, je traite de santé, au sens d’intégrité et d’harmonie physique et psychique, écologie globale, au sens le plus universel du terme. J’ai quitté ma Bretagne natale il y a plus de 25 ans. Avec ce numéro spécial de Passage, j’y reviens. Le poète anglais Thomas Eliot, décrivant l’existence humaine, a écrit: "Nous continuerons le voyage / Jusqu'au bout de l'exploration / Touchant l'originel rivage / D'un savoir neuf, le connaîtrons." Dans la même veine, Du Bellay, étudié en classe de quatrième, me faisait rêver d'un retour avant même que de quitter le quai: "Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage ...." Passage est une lettre à mes compatriotes inconnus, comme une bouteille jetée à la "mer-patrie". Jusqu'à fin mars 95, je présenterai de vive voix mes livres à divers auditoires. Ils transmettent ce que je considère comme l'essentiel de mes souvenirs de voyage: il n'est jamais trop tard pour jeter sur la vie un regard neuf. La suite t’appartient, lecteur.

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Séminaires en Europe jusqu'au 25 mars 1995

I Alcoolisme, toxicomanie et assuétudes: mythes et réalités

La condition humaine est un voyage d’exploration pour lequel nous disposons de divers signaux d'orientation. Douleur et plaisir sont des signaux indiquant la rupture ou l’union de l’être avec l’univers considéré comme une demeure qu’il explore. Les émotions constituent des signaux plus subtils pouvant nous renseigner sur la nature de ce qui nous sé-pare ou nous ré-pare.

Le cycle d'assuétude, diagramme tiré de
Lâcher prise et trouver la vie Sur cette toile de fond, l’alcoolisme est le stéréotype de nombreuses assuétudes, habitudes qui ont en commun une perte d'orientation et une dérive de l’être. Comme l’alcoolique, la victime d’assuétude se sent de plus en plus isolée et entretient l’illusion qu’elle dispose d’un moyen d’apaiser la douleur qu’elle ressent. L’alcoolisme peut être considéré comme une allergie physique à l’alcool, mais il est enraciné dans une rupture psychique profonde de l’être. La société dite de consommation est une vaste taverne où l’être humain s’enivre pour oublier un mal de vivre qui résulte de la suppression habituelle des signaux élémentaires que sont les émotions et de la perte de conscience des ruptures existentielles qu’elles signalent. Les assuétudes les plus courantes se retrouvent dans les comportements les plus courants: alimentation, sexualité, travail, relations affectives, loisirs, pratique religieuse. Elles portent alors les noms de boulimie, anorexie, érotomanie, ergomanie, codépendance, jeu compulsif, idolâtrie, etc. Dans tous les cas il s’agit de tentatives d’acquérir toujours plus parce qu’on pense qu’on n’a pas assez ou qu’on est pas assez. Cette perception de manque équivaut à une honte chronique, sensation permanente d’être en peine. La suppression des émotions conduit au cercle vicieux de l’assuétude dont on ne sort pas sans une souffrance réparatrice, seule souffrance qui "a du sens". Les groupes d’entraide comme Les alcooliques anonymes, Al-Anon, Codépendants anonymes, Outremangeurs anonymes et beaucoup d'autres constituent un milieu idéal pour ce travail.

II L’entraide: où, quand, comment, pourquoi?

L’entraide est une pratique favorable à l’élimination des assuétudes car elle permet l’inversion du contresens existentiel que constitue l’assuétude. Elle concrétise une révolution personnelle en permettant à l’individu de cesser de se définir en fonction d'un sentiment de manque et de s’épanouir en rayonnant à partir d’une saine estime de soi. Entraide et estime de soi vont donc de pair. Partis d’une perception que l’enfer, c’est les autres, nous découvrons dans l’entraide que l’enfer, c’est plutôt de s'aliéner par préjugé et par peur d’être rejeté par l’autre. S’amorce alors, parmi ceux et celles d'entre nous qui acceptent cette remise en question, la lente transhumance d’un retour "chez Soi", seule base existentielle d’où nous pouvons croître et rejoindre l’autre, mouvement essentiel de toute intimité. Dans l’entraide, nous trouvons l’école indispensable nous permettant de comprendre les difficultés qui marquent nos relations avec les autres. Nous apprenons à développer des relations épanouissantes fondées sur le service là où nous ne connaissions que des relations de dépendance visant à combler notre vide intérieur. Les pays francophones ont proportionnellement beaucoup moins de groupes d’entraide pour les victimes d’assuétude que les pays anglophones. Plutôt que d’en tirer des conclusions hâtives et de rejeter l'entraide comme un concept inadapté au contexte culturel de la francophonie, découvrons la formulation juste qui donnera accès aux bienfaits de l’entraide à tous ceux qui en ont besoin. Le mal de vivre n’a en effet ni langue ni frontières et la voie tracée par les pionniers de l’entraide en Amérique ou ailleurs peut être tout aussi bénéfique au francophone qu’à l’anglophone, à l’hispanophone, à l’arabisant ou à d'autres. La santé est aussi contagieuse que l’assuétude et se répand lorsque les principes de l'entraide sont accessibles à ceux qui veulent s'en prévaloir dans les divers bassins culturels du monde.

III Spiritualité et estime de soi

Le lien entre ces deux thèmes se trouve dans le sens profond du mot Soi. Le Soi est l’être qui se sait faisant partie d’un Tout dont son existence est indissociable. L’antithèse du Soi est l’ego, fragment d'être qui s’autodéfinit en considérant l’univers comme un objet d’observation dont il est séparé. L’être qui s’investit dans l’ego ne peut donc que ressentir la douleur de sa séparation. En affirmant je pense donc je suis", il se condamne à un exil hors de l'univers qu'il observe. Il tente alors d’anesthésier sa douleur et tombe facilement dans l’assuétude, cercle vicieux où il aggrave les ruptures passées tout en les masquant. On connaît la logique du "je bois pour oublier que j’ai honte de boire." En général: je m’adonne à mes assuétudes pour oublier la douleur que je ressens lorsque je crois aux définitions réductrices et égocentriques de l'être. Qui dit réduction dit répudiation d’une partie de Soi et donc estime de Soi déficiente. La spiritualité est ce qui commence lorsque concepts et réductions de toutes sortes s’effacent pour ouvrir l’accès à la totalité. La religion au sens courant du terme s’apparente trop souvent d’avantage à une école de pensée réductionniste qu’à un espace ouvert à la totalité mystérieuse de la Vie. Idéalement et étymologiquement la Religion est ce qui re-lie. En pratique, nous avons des religions et donc des divisions. La spiritualité est une participation au déroulement du grand mystère de la création, une présence dans l’instant devenu éternel dès qu’on cesse de le quantifier au chronomètre. L’expérience spirituelle s’acquiert par un retour en Soi de l’enfant prodigue qui a dilapidé sa vie dans l'assuétude. Cela implique une acceptation de Soi, une souffrance réparatrice des déchirements intérieurs et une culture du dialogue universel. La spiritualité commence lorsque nous ouvrons un regard neuf sur un univers sacré où "Dieu dort dans les minéraux, s’éveille dans les plantes, s’anime dans les animaux et pense dans l’homme."

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Passage No 3 (Automne-hiver 1994)

Table des matières

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Un nouveau livre

Le titre de mon nouveau livre est: Lâcher prise et trouver la vie. En sous-titre, j’ai choisi trois mots qui résument l'itinéraire de la condition humaine: dépendance, entraide, spiritualité. J’y décris, avec de nombreuses illustrations, le lien entre la répression des émotions et les comportements compulsifs de tout ordre pour lesquels j'ai adopté le terme d'assuétude. Une assuétude est une habitude autodestructive incontrôlable comme la toxicomanie, l'ergomanie (travail compulsif), l'érotomanie (sexualité compulsive), la dépendance affective ou toute autre forme de dépendance. Je décris aussi le chemin de la solution qu'on appelle parfois le rétablissement. Même si je présente la famille d'origine et les rôles qu'y jouent parents et enfants, je n'en fais pas le vilain de l'histoire, car l'attachement et la dépendance ne datent pas de nos parents. Si l'on veut recourir (et je le fais volontiers) aux images puissantes du mythe et de la tradition, Adam et Ève, en devenant humains, ont donné le coup d'envoi de notre tendance à l'attachement. Le fil conducteur des trois parties du livre est le sens, à la fois orientation, signification et sensation. La table des matières présentée en page 3 de ce numéro de Passage convaincra le lecteur intéressé qu’aucun aspect du problème de la dépendance et de sa solution dans l’entraide n’a été négligé. Je suis convaincu que ce livre aidera quiconque est aux prises avec un certain mal de vivre tout comme ceux et celles qui sont déjà engagés dans une adhésion enthousiaste à la Vie.

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Douleur et souffrance: savons-nous faire la différence?

Nous confondons couramment douleur et souffrance et cette confusion est tragique car elle est elle-même génératrice de douleur. Étymologiquement, le sens de la douleur est celui d’une rupture. Nous retrouvons ce sens dans quelques mots dont le plus familier est le deuil, expérience par excellence de la rupture et du déchirement. Deux outils coupants portent aussi des noms où subsiste la même racine: le doleau est une hachette d’ardoisier et la doloire une hache de tonnelier. Lorsque nous offrons nos condoléances, nous affirmons notre sympathie envers celui qui éprouve le deuil, nous prenons part à son déchirement. Quant à présenter nos doléances, cela revient à exprimer ce en quoi nous nous sentons tenus à l’écart, victimes d’un injustice ou d’un tort. La souffrance a un sens étymologiquement très différent de celui de la douleur. Souffrir, c’est porter un fardeau, supporter une épreuve. Là où la douleur parle de déchirement, la souffrance parle d’effort. Il ne s’agit donc pas du tout de la même chose. Douleur et souffrance sont parfois indissociables. Tout déchirement exige un effort. Lorsque nous nous fracturons un membre, nous souffrons d’un fracture, nous en portons le fardeau. L’effort minimum requis pour survivre avec la rupture ne peut être distingué de la douleur et n’implique aucun effort de réparation. Réparer, c’est, à la lettre, réunir la paire créée par une rupture, et cela requiert un effort supplémentaire, une souffrance réparatrice. C’est là que la souffrance prend un sens et devient distincte de la douleur qui, elle, est un simple signal de rupture sans orientation particulière. La souffrance réparatrice est parfois considérable, mais il y entre aussi une dimension de joie, signal par excellence d’un retour à la santé. Lorsque nous souffrons, c'est-à-dire lorsque vivre représente un effort particulièrement pénible, il est essentiel que nous nous assurions de l’orientation de notre souffrance. On peut en effet souffrir en effectuant une réparation, mais aussi en supportant une rupture chronique sans la réparer ou même en l'aggravant.
Douleur = Signal de rupture

Souffrance = Effort
Le risque que nous encourons de souffrir de façon stérile se comprend mieux si nous saisissons le mécanisme de perte de sens qu'est l’anesthésie. L’anesthésie n’est évidemment pas la suppression de la douleur. C’est la suppression de la sensibilité à la douleur. L’anesthésie est une réduction ou une suppression de notre sens d'orientation. Elle vise à rendre une douleur plus facile à supporter. Nous sommes familiers avec ses applications en chirurgie et en dentisterie, domaines où elle est utilisée pour faciliter des réparations corporelles en allégeant l’effort requis par celui qui souffre. L’anesthésie est un des fleurons de la science médicale et son utilité est indiscutable. Il convient par contre d’examiner sérieusement l’usage courant et souvent inconscient que nous en faisons, non pas pour faciliter la réparation de nos ruptures, mais au contraire, pour éviter de les réparer ou même de les assumer. Je veux parler des mille et une façons dont nous manipulons les circonstances, les objets et les personnes pour éviter de faire face à nos ruptures intérieures, déchirements infiniment plus graves que nos caries dentaires. L’anesthésie n’est pas seulement disponible dans la seringue du médecin, elle l’est dans nos moindres faits et gestes, dans la façon dont nous abordons les éléments les plus courants de notre vie quotidienne. Nous sommes des génies lorsqu’il s’agit de trouver les moyens de masquer la douleur ressentie lorsque notre équilibre psychique et émotionnel est rompu. Nos anesthésiques les plus courants sont la sexualité, la dépendance affective, l’alimentation, la pensée obsessionnelle, l’activité compulsive et la consommation de substances chimiques (tabac, alcool, médicaments, drogues). En fait, le terme société de consommation vend la mèche: la consommation compulsive produit une ivresse qui, si elle n’est pas forcément éthylique, n’en constitue pas moins un état altéré caractérisé par une sensibilité réduite. Nous vivons une bonne partie de notre existence en état d’anesthésie plus ou moins prononcée. Comment s’étonner des difficultés que nous éprouvons à trouver un sens à la vie lorsque nos détecteurs de sens ont à toutes fins pratiques, la vigueur d'un patient sur la table d'opération! Qui dit anesthésie dit perte de sens et, par conséquent, besoin d’orientation. C’est là que la notion de soulagement entre en ligne. Soulager veut dire alléger un fardeau. C’est toujours la souffrance qu’on allège et jamais la douleur. On peut soulager l’effort requis pour supporter une rupture et l’effort requis pour la réparer, mais on ne saurait soulager une rupture, les deux mots ne vont pas ensemble. On peut seulement masquer la douleur et la rendre plus facile à supporter. Cette forme de soulagement est statique, comme un vérin hydraulique placé sous une charge, il supporte mais n'implique en rien une direction. Les vérins hydrauliques qui soulagent la souffrance statique sont aujourd’hui les substances chimiques appelées anesthésiques et analgésiques. "La tête lourde? Prenons la pilule supercric et nous pourrons continuer à porter un casque de plomb." Le soulagement est dynamique lorsqu’il allège l’effort réparateur d’une rupture. Il devient alors compassion, à la lettre "souffrance avec", effort partagé. Le soulagement est un accompagnement dans la souffrance. C’est l’être humain compatissant qui soulage et non plus le vérin de l'anesthésie. On peut se demander s’il est éthique de soulager une souffrance sans s'assurer d'abord que souffrance et soulagement vont dans le sens d'une réparation. Prenons l’exemple volontairement caricatural de celui qui se frappe la tête avec un marteau. En lui fournissant un remède contre les maux de tête, on ne le soulage pas, on masque seulement sa douleur et on lui permet de l’aggraver. Au mieux, on maintient le statu quo du non-sens. Or, c’est exactement ce que nous faisons chaque fois que nous recourons à la solution de facilité dans tous nos déchirements, soit en les niant, soit en les anesthésiant par le blâme et la racune ou par des comportements compulsifs.
Soulagement avec sens, orientation et fardeau partagé

Soulagement avec perte de sens, rupture masquée
En confondant douleur et souffrance, nous bannissons l’une et l’autre sans nous interroger sur leur sens profond. Ce faisant, nous aggravons notre fragmentation intérieure et nous nous écartons de l’état d’intégrité qu’est la santé véritable. Pour sortir de ce contresens tragique, nous devons d’abord redonner à la souffrance le sens noble de travail réparateur. Nous devons ensuite faire face à toute notre souffrance, tant celle qui provient de nos multiples fragmentations que celle qui consiste à les réparer. Quant à la douleur, au lieu d’y voir une sensation indésirable et tabou, il serait sage que nous apprenions à y voir le signal précieux qui nous permet de reconnaître les déchirements dont nous sommes victimes. Rien ne nous empêche de la rendre plus facile à supporter lorsqu’elle est trop vive, mais le drame serait consommé si nous parvenions à l'abolir. Cela voudrait dire que nous aurions perdu un précieux instrument de bord, celui qui nous signale que nous nous écartons de l'unité.

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Dépendance, entraide, spiritualité


La Table des matières de mon nouveau livre

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Passage No 2 (Printemps-été 1994)

Table des matières

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Éco... quoi?

Voici le second numéro de Passage. Mon intention initiale de publier quatre numéros par an au rythme des saisons doit être révisée: je me limiterai à deux ou trois numéros pour des raisons d'ordre "économique". Le "mot" étant prononcé, profitons-en pour le regarder de plus près. L'économie dans son sens général, du grec Oikos et Nomos, signifie l'administration de la maison dans tous ses aspects. L'économie est donc un service et une structure de soutien et non une fin en soi. D'autres mots se rapportant à la maison sont écologie, de Oikos et Logos, connaissance de la maison et oecuménisme qui vient de Oikoumene, la terre habitée, et évoque l'universalisme. Passage se veut écologique et oecuménique dans les idées qu'il transmet, il n'en est pas moins soumis à des contraintes économiques: idées, temps, papier, encre, coût d'impression et d'expédition, etc. Le maillon le plus faible de cette chaîne de ressources est le coût d'expédition. Vous pouvez contribuer à la distribution de Passage en le plaçant dans des centres de distribution appropriés ou par l'envoi de timbres et d'adresses. Merci à ceux et celles qui l'ont déjà fait. Pour ce numéro du printemps, j'ai choisi un article qui établit un lien entre la perte des rites de passage et la prévalence des assuétudes: alcoolisme, toxicomanie, ergomanie et dépendances en tous genres. Le passage de l'adolescence à la vie adulte ne se faisant plus à travers les rites d'initiation, il suit une trajectoire beaucoup plus longue qui passe souvent par le bas-fond des dépendances, passage périlleux et souvent fatal. Les mouvements d'entraide constituent en ce sens un renouveau contemporain des rites de passage où nous pouvons effectuer les transitions difficiles de notre existence: deuils, rétablissement, changements de cap, etc. Le symbole des saisons a tourné d'un cran dans la rose des vents qui orne la page titre de Passage et symbolise le temps sacré. À toutes et à tous je souhaite un printemps fleuri, passage vers et un été serein.

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Crise globale et rites de passage

"L'homme de l'abondance a perdu le sens de tout quand il a profané la signification du pain"
Jacques Grand'Maison

Un choix crucial

Au crépuscule du second millénaire, nous vivons un moment crucial de notre évolution en tant que société. Notre destinée individuelle et collective est à une croisée de chemins, nous sommes en crise globale, confrontés à des directions radicalement différentes. La société où nous vivrons ou celle où nous périrons demain sera un reflet des choix que nous posons aujourd’hui. S’en remettre au choix des autres, quitte à s’en plaindre, est l’option la plus facile, c’est aussi une forme subtile d’abandon de soi. Faire face à la crise requiert du courage car tout choix comporte, outre sa part d’inconnu, le deuil des options que l’on ne retient pas. La résolution d’une crise requiert que l’on accepte de lâcher prise, que l’on s’ouvre, et que l’on crée l’ordre nouveau. Tiraillés entre le désir et l’angoisse qui accompagnent tout changement, nous ressemblons à l’adolescent déchiré entre une enfance qui meurt et un avenir exigeant et plein de mystère.

Un besoin de guides et de repères

Les confréries de passeurs prospèrent autour des passages difficiles. La crise actuelle voit ainsi proliférer les thérapies et les "passeurs d’âmes". À l’angoisse de la crise s’ajoute donc celle du choix des passeurs, surtout quand l’histoire des mots nous rappelle que les "faiseurs de ponts" de jadis sont devenus les "pontifes" d’aujourd’hui (du latin pontifex). Avant que l’ère moderne ne voie la tradition tomber en disgrâce, l’humanité disposait de pratiques symboliques très puissantes destinées à faciliter les transitions les plus importantes de la vie: naissance, adolescence, mariage, décès. Il ne nous reste que des fragments généralement profanes de ces rites de passage ancestraux qu’un progrès chronique (du grec khronos, le temps) condamnait nécessairement à l’anachronisme. La perte des rites est foncièrement associée à celle du sens et du sacré. Dépourvus de sens, la souffrance est absurde et le deuil inopérant. Les sages ont de tout temps comparé les passages existentiels difficiles à des seuils. Sans rites de passage, les seuils sont infranchissables et la vie parsemée de bas-fonds.

Initiation: passage ou chute?

Le passage qui conduit du profane au sacré est un seuil au sens étymologique de "partie basse". Dans le domaine des toxicomanies et des dépendances, on parle "d’atteindre son bas-fond", expérience de chute qui, si on lui survit, constitue aussi un passage vers le sacré. Il suffit d’écouter un alcoolique rétabli pour s’en convaincre. "Les voies de l’excès conduisent au palais de la sagesse", a dit William Blake. Il est tentant d’ajouter: "... parfois". Seuil et bas-fond sont donc les portes d’une sagesse profonde. La différence entre le bas-fond de la dépendance et le seuil que l’adolescent franchissait grâce aux rites de passage se situe au niveau du risque de se perdre et de la durée de la souffrance associée à la transition. C’est la différence qu’on retrouve entre traverser un bras de mer accompagné d’un guide expérimenté et le traverser seul, à la nage ou sur un radeau de fortune, souvent après un naufrage. Le rite prépare, aide à lever l’ancre, propulse et accueille sur l’autre rive. Sans lui, l’adolescence continue comme une longue chute vers le bas-fond d’une dépendance si ce n’est vers la fosse prématurée d’un cimetière.

Réinventer le rite, choisir ses guides et traverser la crise

Remettre le rite à l’honneur sous une forme adaptée à la réalité psycho-sociale d’aujourd’hui tout en étant fidèle à nos racines, est un acte de re-naissance individuelle et collective, une re-co-naissance, un acte de co-création. L’expérience étant la seule source de connaissance profonde dont nous disposions, le rite doit, pour être porteur de vie, s’art -iculer à l’expérience. On sait aussi que l’art le plus sublime commence par un balbutiement, un geste ou une esquisse. Avant d’être complexe ou ésotérique, le rite est donc l’art simple et accessible du quotidien. Comme le dit Jacques Grand’Maison: "L’homme de l’abondance a perdu le sens de tout quand il a profané la signification du pain." Schiller, évoque aussi le temps sacré où "le brin d’herbe était un ciel, l’amour était un hymne, la joie un baptême et le saint s’appelait le beau." L’appréhension que nous ressentons au coeur de la crise est légitime et invite au discernement dans le choix des guides. Il est tentant de croire qu’une crise se résume à ses symptômes et de se laisser séduire par la promesse de les faire disparaître. L’aspect économique de la crise actuelle n’est qu’un des nombreux symptômes d’une crise profonde du sens. Toute solution économique ne saurait donc être que partielle. Le défi auquel est confronté l’homme rationnel est de transcender la raison sans la perdre. Nous disposons pour cette transhumance du guide fiable qu’est notre intuition, intelligence profonde, au seuil même de l’être. C’est elle qui vibre à la parole et à l’exemple des sages. Quand le disciple est prêt, dit l’adage, le maître parle. Le véritable travail commence donc par savoir écouter.

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Ateliers et séminaires: à vous de choisir

Les thèmes des ateliers et séminaires que j'anime sont: Toxicomanie et assuétudes, répression des émotions, systèmes humains dysfonctionnels (famille, école, association, corporation), rétablissement de l'intégrité personnelle et collective, croissance, Étapes et Traditions de l'entraide, renaissance spirituelle, espaces profanes et sacrés. Tous ces thèmes sont évidemment reliés et il n'est pas un atelier qui ne mette en évidence ce lien. Seule l'emphase varie d'un atelier à l'autre. Certains préférent explorer les émotions réprimées depuis leur enfance, d'autres désirent développer une discipline concrète d'apprivoisement de l'enfant intérieur ou explorer l'esprit des Étapes et des Traditions de l'entraide. L'émergence d'une spiritualité qui transcende les écoles de pensée est un signe de renaissance personnelle, d'où la place importante que tient la spiritualité dans les ateliers et séminaires que je propose. Cette spiritualité ne doit pas être confondue avec la religion au sens habituel du terme puisqu'elle n'est assujettie à aucune école de pensée particulière bien qu'elle soit compatible avec toutes les traditions spirituelles de l'humanité. Au cours du printemps et de l'été, j'animerai encore de nombreux ateliers et séminaires sur ces thèmes à Ottawa et dans les régions du Québec et de l'Ontario. Des groupes constitués me demandent parfois d'animer un séminaire ou un atelier spécifique qui répond à leurs besoins (durée, endroit, format et coût). Je m'efforce de répondre à vos demandes dans la mesure où je suis disponible.Veuillez consulter le programme proposé en page 3, utiliser la formule d'incription ci-dessous ou communiquer directement avec moi.
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Passage No 1 (Automne-hiver 1993)

Table des matières

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Créer des liens

Qu'est-ce que signifie apprivoiser? demandait le petit-prince au renard. Ce dernier de répondre: cela signifie créer des liens. Ce bulletin de nouvelles est un lien. Son titre est Passage, son sous-titre indique l'époque de l'année où il est émi: semailles, bourgeons, feuillage ou moisson. Comme beaucoup d'autres mots, le mot "lien" a plusieurs sens. Il peut-être compris comme une servitude, une entrave, ou comme un fil de communication. En s'affranchissant de l'entrave on trouve souvent l'union sacrée. C'est ainsi qu'on entend dans l'entraide le dépendant d'hier exprimer sa gratitude envers le problème qui l'a conduit à un éveil intérieur. Mon but, en produisant "Passage" est d'alimenter les liens qu'ont pu créer mes livres non seulement entre les lecteurs et moi, mais surtout entre les lecteurs eux-mêmes. Combien d'entre-nous, en effet, sommes symboliquement réunis, vers sept ou huit heures du matin, pendant les quelques minutes de recueillement ou de lecture qui font la différence entre une journée sereine et une journée compulsive? Je crois fermement au renouvellement du tissu social par la base et non par le parachutage de plans quinquennaux. Il ne sert à rien de blâmer ceux à qui on délègue par vote ou par abstention la tâche de gérer les affaires publiques. Premièrement, le blâme est un abandon de soi. Deuxièmement, leur mission est devenue virtuellement impossible tant nous sommes divisés en nous-mêmes et entre nous. D'où l'importance des mouvements visant à recouvrer unité et harmonie. L'entraide est l'élément de base de tous ces mouvements. Pour conclure cette introduction avec les mots qui l'ont ouverte, je dirai que s'entraider signifie créer de liens de service plutôt que des liens de servitude. C'est donc aussi un apprivoisement.

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L’enfant en soi, un sage qui parle sans mots

"On met très longtemps à devenir jeune"
Picasso

Le mot enfant vient d’une racine qui signifie "celui qui ne parle pas encore". L’âge de raison commence au moment où l'on a appris à découper l'expérience au hachoir de la pensée rationnelle pour en faire les rations dont s'alimente l'ego. L'enfant en soi est donc un symbole du centre intègre et incorruptible de l'être. Ce thème a connu un succès presque instantané et qui semble malheureusement déjà sur son déclin comme tout ce dont s'empare la publicité. "Je sais ce que c'est, j'ai lu "le livre"... je cherche donc autre chose" est le raisonnement à la base de ce déclin. Le thème de l’enfant en soi mérite pourtant qu’on l’aborde avec respect et profondeur. Lui faire violence par le biais du raisonnement, du sarcasme ou de la trivialisation, c’est faire violence à ses propres origines, profaner ses racines sacrées et perpétrer un abus de l’enfance qu’on est parfois si prompt à décrier chez les autres. Le suicide de l’adolescent est son ultime recours lorsque l’enfance dont il ne sait sortir est trop meurtrie. Les générations dont l’enfance est profanée se suicident lentement par leurs comportements autodestructeurs. L’arsenal des troubles compulsifs, drogues, alcool, pornographie, obsession du gain économique ou autres, est devenu plus évident maintenant que l’arsenal nucléaire s'est résorbé. La crise globale est une crise d’humanité adolescente. Rechercher l’enfant en soi, c’est retrouver l’intégrité et opter pour la croissance sans perte d’intégrité. Paradoxalement, rechercher l’enfant en soi c’est s’engager sans s'abandonner sur le chemin de la vie adulte. Quelle que soit l'enfance qu'on a eue, devenir adulte requiert un adieu à l’enfance. Nous avons perdu l’art et la sagesse d’accompagner nos enfants à travers le seuil anxieux de l’adolescence. Les rites de passage ont disparu ou ont été corrompus, remplacés par des substituts comme la première ivresse, l’ouverture du premier compte en banque personnel, le service militaire ou l’examen d’entrée à l’université... Retrouver l’enfant en soi, c’est redevenir un in-dividu in-divisible. Une telle démarche requiert un environnement favorable, une famille au sens original du latin famulus qui signifie le serviteur, tout comme le grec therapon dont nous avons hérité thérapeute. La vraie famille est thérapeutique, c’est-à-dire que le service y est à l'interaction de base. La vraie famille est au service de la croissance intègre. Les groupes d’entraide honorent la tradition de service au point d’exclure ou de restreindre les intervention professionnelle et d'éviter ainsi la corruption du service par le mobile du gain économique ou du pouvoir. En participant à une telle famille, la personne apprend à se défaire de ses masques, à retrouver l’usage de toute sa sensibilité, à traverser les deuils et à vivre dans le présent. L’actualisation de soi est une mise à jour de notre psychisme. Vivre n’a de sens qu’au présent et notre vision est à son meilleur lorsque le passé nous sert de promontoire. Retrouver l’enfant en soi, c'est un rétablir une intimité avec soi-même et amorcer une croissance véritable sans abandonner les composantes de son identité profonde, qu’elles soient obscures ou lumineuses, féminines ou masculines, mystérieuses ou expliquées. Est-ce un hasard si, au moment où il découvre sa planète comme un village global, l’homme découvre aussi son cerveau comme un organe global. On sait que l’hémisphère gauche est le siège de la pensée rationnelle et de la parole. Est-il plus belle confirmation de l’importance de rétablir l’usage de l’autre hémisphère, "celui qui ne parle pas", littéralement l’enfant en soi.

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Vers une nouvelle spiritualité

"Dieu est une tendance dans l'univers"
A. Einstein

Le vingt-et-unième siècle sera spirituel ou il ne sera pas, aurait dit l’auteur de La condition humaine, André Malraux. Il n’est pas le seul à avoir pressenti cette tendance. Dans un discours qu’il prononçait en 1952, Arnold Toynbee, historien des civilisations, prévoyait qu’au tournant du millénaire le monde serait sous hégémonie américaine et que les préoccupations technologiques céderaient le pas à des valeurs spirituelles. Le vingt-et-unième siècle, c’est dans moins de cent lunes et, à en juger par la prolifération des mouvements de nature spirituelle, tout indique que ces prévisions étaient justes. On peut s’en réjouir ou se demander avec une certaine angoisse si l’on assiste aussi à une résurgence du mélange terrifiant de volonté de puissance et d’inspiration "divine" qui ont de tout temps ensanglanté l’histoire, élevé des bûchers et planté des bombes dans les rangs de ceux qui ne suivaient pas l’idéologie dominante? Oui et non. Oui, parce que l’inondation est toujours une des conséquences possibles de la pluie tout comme la brûlure est inévitable dans les métiers du feu. Non, parce que l’être humain jouit d’une respiration profonde qu’aucune structure n’a jamais pu étouffer. L’expérience spirituelle transcende les structures. Le souffle sacré qui en constitue l’essence (du latin spiritus, souffle), ne tolère pas les formes rigides. Le vieux sage Lao-Tseu le dit à de nombreuses reprises dans le Tao Te King: "Comme le soufflet, la Voie est vide, mais son souffle est sans limites. Plus elle est ouverte, plus son effet est grand" (La voie du coeur, chap. 5). Ou encore: "On doit savoir abandonner les structures, pour éviter l’effondrement" (chap. 32). La structure, pour ne pas étouffer, doit servir et non dominer. Lorsqu’elle devient une fin en soi, elle fait obstruction au sens profond. On entre alors dans l’obscurantisme et dans l’absurde: la lettre des lois prend précédence sur leur esprit, l’administration du travail a priorité sur sa mission, les apparences deviennent plus importantes que les principes. Le rôle de toute discipline spirituelle, est de faciliter l’expérience en éliminant les obstacles. Ce thème se retrouve dans la plupart des traditions spirituelles de l’humanité: dans la mesure où le disciple veut une libération, il reste prisonnier de son désir de libération. Lorqu’il lâche prise, il devient libre. Ceux qui n’avaient plus rien à perdre parce qu’ils avaient tout perdu nous disent essentiellement la même chose: n’ayant plus à quoi se cramponner, ils ont découvert, au moment où ils s’y attendaient le moins, une liberté profonde. Le témoignage des rescapés du bas-fond des toxicomanies et des dépendances de tout ordre rejoint en ce sens celui des survivants d’expériences de mort imminente et celui des mystiques de toutes les traditions. On peut alors se demander si notre mode de vie ancré sur un matérialisme à outrance est foncièrement incompatible avec l’expérience spirituelle. Doit-on systématiquement renoncer aux conquètes technologiques? Il n’est point besoin de partir en croisade contre la technologie et ses apports indéniables pour résoudre ce dilemne. La technologie en soi n’est pas plus toxique que le pain. Or, on le sait, le pain peut servir de drogue à l’outremangeur. C’est la profanation de la technologie et du travail qui est à reconsidérer. Le travail comme discipline sacrée n’est pas une vision fantaisiste: nous admirons l’art d’un Bach et d’un Picasso et les professions que nous envions sont celles où le travail ressemble à un jeu. À y regarder de plus prêt, on s’aperçoit que le jeu est davantage dans la façon dont on aborde une activité que dans l’activité elle-même. Des survivants des camps de concentration racontent comment ils ont évité de sombrer dans la dépression en abordant les corvées les plus ordinaires comme des jeux ou des rites sacrés. Le Maître Zen qui prescrivait à son disciple de "fendre du bois et d’aller puiser de l’eau" parlait aussi de la dimension sacrée du travail. Le renouveau spirituel qui s’amorce ne se trouve donc pas tant dans l’ésotérisme de telle ou telle pratique que dans l’exercice simple d’une relation sacrée avec les êtres et avec les choses. La respiration consciente qui conclut la lecture de ces lignes est sacrée.

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